Lire l’interview parue sur Politic Arts à l’occasion des élections sénatoriales 2014.
Florence FAYE : « La reconnaissance du métier de collaborateur d’élu passe maintenant par une convention collective »
INTERVIEW. Florence FAYE est la secrétaire générale de l’Union syndicale des collaborateurs parlementaires du Sénat (UNSA-USCP-Sénat). Cette organisation, rattachée à l’UNSA, est aujourd’hui la seule formation syndicale de collaborateurs d’élus au Palais du Luxembourg. Forte personnalité, Florence FAYE incarne, dans le paysage des réseaux de collaborateurs parlementaires, la figure du combat, parfois éprouvant, pour la reconnaissance d’un statut de « collaborateurs d’élus ». Elle nous a fait le plaisir de nous accorder cet entretien, dans lequel elle présente l’USCP-UNSA-Sénat et ses engagements de militante syndicale.
Collaboratrice expérimentée, vous êtes à la tête de l’USCP depuis plus de dix ans, comment est né cet engagement ?
Florence FAYE (FF) : Collaboratrice parlementaire au Sénat depuis 1994, mon engagement syndical n’a pas été immédiat. L’échec des discussions sur les retraites entre l’administration et les associations de collaborateurs, dont j’étais membre, a été un révélateur. C’est donc en 2003 qu’une équipe déterminée à moderniser les relations du travail entre les parlementaires et leurs collaborateurs les plus proches, a lancé le premier syndicat historique au Sénat, l’USCP.
Nos objectifs étaient multiples. D’abord, sortir du paternalisme pour faire entrer le Sénat dans l’ère nouvelle de la négociation syndicale, mais aussi faire reconnaitre le métier de collaborateur parlementaire en améliorant les droits sociaux collectifs et les conditions de travail de ces professionnels. Enfin, c’était aussi une recherche de cohérence, s’assurer que les élus respectent le Code du Travail, en tant qu’employeurs, qu’ils appliquent la législation qu’ils votent dans l’hémicycle et puissent afficher de bonnes pratiques. Cette volonté de sortir d’une forme de paternalisme était une révolution culturelle pour bon nombre de nos collègues très politisés !
Depuis, nous préconisons de créer une convention collective et n’avons de cesse de démontrer la légitimité de cet outil pour moderniser la gestion des ressources humaines mises à disposition des élus au sein des institutions républicaines et parlementaires. Le seul qui permette de compenser la forte précarité à laquelle nous sommes exposés. L’actualité va nous plonger dans cette dure réalité le 28 septembre prochain, avec les élections sénatoriales, tous les trois ans, la moitié des 348 mandats sont renouvelables. La moitié des 1 000 collaborateurs est donc susceptible de perdre son emploi, à Paris et en province. Pour cent sénateurs qui perdraient leur mandat, 300 salariés perdraient leur emploi. En 2011, 245 collègues avaient perdu leur poste. Ces centaines de personnes touchent des indemnités légales de licenciement, a minima, sans qu’aucun « plan social » ne soit aménagé, ni qu’il fasse les gros titres de l’actualité.
Vous évoquiez la différence entre associations et syndicats. Quelle est, justement, la plus-value apportée par un syndicat ?
FF : Le rôle d’un syndicat est double : conseiller les salariés individuellement et promouvoir une profession en faisant progresser les droits sociaux collectifs. Concrètement, notre syndicat apporte une expertise juridique à ses adhérents en cas de difficulté dans les relations du travail, quel que soit leur engagement politique. Avec volontarisme, le syndicat agit en faveur de la reconnaissance du métier de collaborateur parlementaire, en instaurant une négociation avec les employeurs et l’Institution.
L’action associative n’est pas de même nature, son objet est délimité par la loi, elle ne peut être partie prenante du dialogue social ni ester en justice. Dans notre secteur, les associations répondent à une logique politique, c’est compréhensible. Elles sont indispensables pour accueillir et informer les collaborateurs, favoriser la cohésion, l’échange et mettre en valeur notre corporation. Les syndicats s’en distinguent par les outils juridiques dont ils disposent.
En termes de revendications, vous vous singularisez par la promotion d’un «statut» à part entière ?
FF : Effectivement, pour bâtir ce statut, la première revendication de notre organisation syndicale est la convention collective, reconnaissance attendue pour notre métier et seul outil d’ajustement aux spécificités de notre secteur. A terme, nous militons pour la création d’une branche professionnelle des collaborateurs d’élus.
Que représentent réellement les collaborateurs parlementaires d’élus et de groupes ? 1 000 personnes au Sénat dont 64% de femmes, 58% qui travaillent dans les permanences locales, plus de 52% sont diplômés BAC+4 ou plus. Leur salaire moyen, à diplôme égal, est inférieur d’environ 20% aux indices de l’INSEE. Les sénateurs disposent de 7 548 euros bruts par mois pour rémunérer trois collaborateurs parlementaires à temps plein. L’ancienneté moyenne dans ce poste est de 4.9 ans. Pour en savoir plus, nous lançons cette semaine une grande enquête auprès de nos collègues, comme nous l’avions fait en 2003. Les collaborateurs parlementaires sont 2 500 à l’Assemblée Nationale.
Rouage essentiel de l’organisation du travail parlementaire, les collaborateurs parlementaires sont une valeur ajoutée mais ils sont le «parent pauvre» du Sénat, au sens propre et au sens figuré, là où sénateurs et fonctionnaires parlementaires jouissent d’une véritable reconnaissance statutaire, indemnitaire et sociale.
Malheureusement, après dix ans d’engagement syndical, je crois pouvoir dire que nous sommes encore très loin du compte. Aujourd’hui, nous sommes au pied du mur, nous avons épuisé toutes les voies de la négociation amiable.
N’y a-t-il pas néanmoins matière à espérer des évolutions dans l’avenir ?
FF : A l’horizon des nouvelles élections, nous militerons encore pour que le prochain Président du Sénat, qu’il soit de gauche ou de droite, décide de moderniser aussi la gestion des ressources humaines au sein de l’Institution et la reconnaissance du métier de collaborateur parlementaire, en ouvrant les négociations d’une convention collective. L’intérêt pour les parlementaires de disposer d’équipes de professionnels compétents et motivés est évident. Le non-cumul des mandats devrait contribuer encore à la professionnalisation de notre métier, il y a donc matière à ce que la considération des élus envers leurs collaborateurs évolue, par exemple avec la mise en place d’une branche professionnelle des collaborateurs d’élus (au Parlement, au Parlement européen, dans les collectivités locales ou les ministères) soient 10 à 20 000 personnes en France selon nos estimations !
Propos recueillis par Politic’Arts
Photo : De gauche à droite, Christian CASTAGNA, secrétaire général-adjoint, Florence FAYE, secrétaire générale, et Sara HONDET, Trésorière.
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