A l’occasion de l’audition de l’UNSA USCP, le 16 novembre 2017, par le groupe de travail mis en place par l’Assemblée nationale sur le statut des collaborateurs parlementaires, nous avons transmis une contribution faisant l’état de nos principales recommandations.
Depuis 2003, notre organisation syndicale demande la mise en place d’un dialogue social et d’une convention collective, pour cette profession de salariés de droit privé, au service des parlementaires employeurs, conformément au droit commun du code du Travail.
CONTRIBUTION AU GROUPE DE TRAVAIL SUR LE STATUT
ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL DES COLLABORATEURS PARLEMENTAIRES
ASSEMBLEE NATIONALE – 16 11 17
Sommaire
Présentation p. 1
Situation actuelle p. 2
Recommandations p. 3
ANNEXES p. 6
(notes juridiques, initiatives de l’intersyndicale, infos diverses, revue de presse)
PRESENTATION – UNSA USCP – Union Syndicale des Collaborateurs Parlementaires
- Statutairement constituée en organisation syndicale
- Membre de la fédération des services de l’UNSA national avec ses juristes et avocats accrédités
- Missions :
- à titre individuel, informer et apporter un conseil juridique au salarié, l’assister en cas de litige avec son employeur et devant la justice.
- à titre collectif, mettre en œuvre un éventail d’actions pour la reconnaissance et la valorisation du métier de collaborateur parlementaire et des droits sociaux
- Objet :
- nous représentons les collaborateurs parlementaires de députés et de sénateurs, quel que soit leur lieu de travail, quel que soit leur engagement politique, nous représentons également les collaborateurs des groupes parlementaires
- premier syndicat historiquement présent à l’AN depuis 1999 (S. Tessier, Jean-François Cassant), au Sénat depuis 2003, fusion des deux structures depuis 2015.
- Champs d’action :
- proposer des initiatives législatives aux parlementaires en leur demandant de déposer des amendements dans les différents projets de loi (fonction publique territoriale en 2006, pjl transparence de la vie publique, projet de loi travail, projet de loi confiance, proposition de résolution sur le règlement des assemblées,…)
- informer nos adhérents et les parlementaires, consulter notre profession, colloque
- rencontrer les instances des deux assemblées et négocier avec elles des avancées socio professionnelles
- élaborer et contribuer à la plateforme commune de revendications avec l’intersyndicale
- relations extérieures et représentation de la profession (universités, salons professionnels, colloques …), relations avec la presse
- distribution de tracts, organisation de manifestations, communiqué de presse
- Noyau de revendications :
- Depuis sa création, l’UNSA USCP agit pour la reconnaissance statutaire de notre profession par la négociation d’une convention collective des Collaborateurs parlementaires, au sein d’une branche professionnelle des collaborateurs d’élus, comme pour 98% des salariés français.
- Notre objectif est de contribuer à la modernisation et à la clarification de la gestion des moyens et des ressources humaines mis à disposition des parlementaires dans l’exercice de leurs mandats. Pour nous, pas de transparence ou de confiance dans l’action publique sans faire cette réforme.
- Accords professionnels de 2016 à l’AN
Nous n’avons pas participé à cette initiative pour deux raisons :
- d’une part, il nous semblait impératif que les employeurs s’engagent au préalable sur le principe de négocier sur un statut professionnel global avec un calendrier de travail précis,
- d’autre part, ces accords étaient partiels dans leur forme et leur contenu, n’engageant que les employeurs membres de l’association d’employeurs, créant une discrimination de fait entre les salariés, proposant d’instaurer un forfait jour sans contrepartie suffisante relative à l’organisation du temps de travail et à la rémunération.
- Intersyndicale des Collaborateurs parlementaires
Depuis fin 2016, avec les autres organisations nous avons contribué à l’émergence d’une action intersyndicale coordonnée à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Ordre du jour de l’audition du 16 novembre 2017 et feuille de route du groupe de Travail :
- analyse de la situation actuelle
- mesures prises par le passé
- pistes pour l’avenir
Notre exposé reprendra ces 3 points. Il est important de savoir d’où l’on part pour identifier les problématiques à surmonter et déterminer l’objectif à atteindre.
SITUATION ACTUELLE
- Profil des 3 500 collaborateurs parlementaires :
+ de 50% d’entre eux travaillent dans les permanences parlementaires en province
+ de 50% d’entre eux ont un diplôme de niveau Bac +4 et Master
+ de 60% sont des femmes
Turnover énorme : entre 2 et 3.5 ans de durée de vie dans le poste
- Contexte : une profession nouvelle dans un secteur d’activité très spécifique où les questions s’accumulent, un vide juridique statutaire source de difficultés dans les conditions de travail mais aussi source de dérives et de contentieux, une situation de travail inédite et complexe
- 40e anniversaire de la profession (30e anniversaire célébré par un colloque au Sénat en 2006), une profession arrivée à maturité avec une représentation syndicale des salariés
- les collaborateurs parlementaires sont des salariés comme les autres auprès d’employeurs comme les autres / 95% des salariés français dépendent d’une convention collective
- statut socio professionnel inexistant ou partiel, des avancées en ordre dispersé : éléments de statut, voici le premier paradoxe car nous sommes au service du législateur qui vote le droit du travail dans l’hémicycle mais ne s’assure pas qu’il soit appliqué à la lettre pour ses plus proches équipes de collaborateurs
- secteur avant tout politique pas favorable au rassemblement des salariés ou des employeurs autour de questions socio professionnelles
- un métier en devenir dont on a oublié d’organiser les conditions de travail comme une ressource humaine, qui a d’abord été et est toujours considéré par l’institution comme un coût (cf dotation collaborateur fermée)
- un débat longtemps stérile autour de la question statut publique ou statut privé
- un secteur d’activité aux spécificités uniques :
- un contrat de travail lié au mandat électif de l’employeur, une relation tripartite Employeur / salarié / institution,
- une gestion des ressources humaines obsolète,
- l’employeur est aussi le législateur,
- contrat de travail CDI mais à terme prévisible,
- une enveloppe de rémunération attribuée au parlementaire mais l’employeur n’est pas « le payeur », si vous permettez ce raccourci ce qui a déjà été souligné par les juristes auditionnés .
- une enveloppe de rémunération forfaitaire adossée aux indices de la fonction publique
- une précarité de fait : calendrier électoral impose des vagues de licenciements à son rythme et un fort turnover des employeurs aussi bien que des salariés tous les 5 ou 3 ans, tout est à refaire en terme de pédagogie, de négociations, d’information, etc..
- groupes parlementaires : longtemps ils ont fonctionné sans même déposer leurs statuts en préfecture, c’est chose faite aujourd’hui.
- Conséquences concrètes de l’absence de statut professionnel – illustration dans le quotidien de conditions de travail
- Absence de moyens alloués à l’exercice du droit syndical, par exemple, tous les représentants des salariés ayant été auditionnés par le groupe de travail seraient susceptibles d’être licenciés pour faute grave par leur employeur, un local vient seulement d’être attribué début 2017 aux syndicats par le Sénat, etc.
- Absence de négociation annuelle sur les salaires, pas de prévention en termes de sécurité et de santé au travail, pas de défraiement organisé des frais professionnels, etc.
- Des situations dérogatoires au droit du Travail persistent sans qu’aucun aménagement n’ait encore été prévu pour les compenser. Ainsi il a déjà pu être constaté qu’un parlementaire nommé ministre soit conduit à procéder au licenciement pour fin de contrat de sa collaboratrice parlementaire alors que celle-ci se trouvait en congé de maternité
- Obligations déontologiques
- Conditions de départ en retraite non définies
- Situation paradoxale : alors que notre métier consiste à « assister le parlementaire dans l’exercice de son mandat », notamment en relayant les demandes des organisations catégorielles locales ou nationales auprès des parlementaires … nous ne sommes jusque là ni dotés des moyens de l’exercice syndical comme la loi le prévoit dans le droit commun ni dotés d’une convention collective comme c’est le cas de 95% des salariés français.
- Quelle serait la réaction d’un parlementaire si dans son département s’annonçait un plan de licenciement massif de … 1600 personnes sans plan social ?
- Dérive des emplois fictifs : le contrôle de l’effectivité des emplois n’a jamais été assurée par les assemblées, la négociation d’un statut professionnel devrait palier cette situation pour la profession.
UNSA USCP – QUATRE RECOMMANDATIONS PRINCIPALES
- R1 – Mise en œuvre du dialogue social pour aboutir à des accords collectifs négociés avec l’intersyndicale des CP, en application du vote du projet de loi confiance dans la vie publique et aux engagements pris par les parlementaires dans l’hémicycle. Comment ?
- R 2 : Accord de méthode avant fin 2017 – Avant d’aller plus loin, la 1ère étape est la rédaction d’un accord de méthode conclu avant fin 2017, pour la suite des négociations avec l’intersyndicale, en vue d’organiser le dialogue social. Cet accord doit prévoir d’aboutir à des accords collectifs par exemple fin 2018, accords qui organiseront la tenue d’élections professionnelles bien sûr. C’est un préalable pour définir : qui prend part aux négociations, quel est le champ d’application de cet accord, quel est son calendrier de mise en œuvre. L’accord de méthode doit y compris déterminer si les accords professionnels de 2016 sont pérennisés en l’état dans la suite des travaux.
- R 3 : Accords collectifs avant fin 2018 – Ce point découle du précédent et doit déterminer le détail de tout ce qui relève du champ socio professionnel d’une convention collective (salaires, formation, santé, comité social et économique et IRP, retraite, mutuelle santé, frais professionnels, formation, temps de travail, congés, précarité, ancienneté, validation des acquis de l’expérience, déontologie, …)
- R4 : Accord sur un Calendrier de travail
AUTRES RECOMMANDATIONS
- Mettre en place des outils incitatifs de formation au management pour les parlementaires employeurs
- Conduire une prévention des risques psychosociaux au travail, des risques de harcèlement moral et sexuel, de la santé au travail et une information des obligations de sécurité de l’employeur envers ses salariés
- Organiser les moyens de l’exercice du droit syndical des salariés collaborateurs parlementaires
- Inscrire dans le règlement des assemblées le corpus réglementaire des décisions des instances relatives aux collaborateurs parlementaires
- Clarifier les lignes budgétaires consacrées à la masse salariale des CP, notamment concernant l’utilisation des reliquats
- Décider quels seront les représentants des employeurs habilités à négocier : l’association d’employeurs pré existante sera-t-elle pérennisée pour mener le dialogue social avec les représentants des salariés ? La conduite de l’organisation du dialogue social a été donnée au bureau des assemblées, conformément aux dispositions prévues dans la loi confiance votée en 2017. Le bureau de l’Assemblée nationale va-t-il pérenniser le rôle de l’association d’employeurs pré existante depuis 2016, en lui donnant le mandat explicite de représentant des députés employeurs apte à négocier en leur nom, ou choisir une autre alternative ?
- Dotation collaborateur :
- sanctuariser les dotations prévues pour les collaborateurs de parlementaires d’un côté et les moyens mis à disposition des groupes parlementaires pour rémunérer leurs collaborateurs de l’autre,
- mettre un terme à la gestion forfaitaire de la dotation par un encadrement plus adapté à la masse salariale, en privilégiant l’établissement de grilles salariales selon le niveau de diplôme et selon l’ancienneté, par exemple.
- Harmoniser le montant de la dotation des députés et celle des sénateurs.
- A terme, aboutir à un statut du collaborateur parlementaire commun à l’Assemblée nationale et au Sénat.
- L’Unsa Uscp demande que les représentants des employeurs sollicitent le Ministère du Travail à l’occasion de la réforme en cours, en vue de la création d’une branche professionnelle des collaborateurs parlementaires et collaborateurs d’élus.
- Voir Plateforme commune annexée
La modernisation et la clarification de la gestion des ressources humaines mises au service des parlementaires est urgente. Selon nous, le vide juridique actuel relatif au statut socio-professionnel contribue à entretenir des sources de contentieux, une forme d’antiparlementarisme et des difficultés dans nos conditions de travail. Il est impératif d’y mettre un terme.
De nouvelles réformes auront des incidences directes sur notre profession, comme l’entrée en vigueur récente de la loi contre le cumul des mandats ou encore la prochaine réduction du nombre de parlementaires.
CONCLUSION
Les salariés ont pris leurs responsabilités en s’organisant en syndicats, ils sont prêts à s’assoir à la table des négociations et se sont réunis en intersyndicale depuis fin 2016.
Aujourd’hui, la balle est dans le camp des parlementaires employeurs pour organiser le dialogue social conformément aux dispositions de la loi et du code du Travail.
Des arbitrages doivent être rendus pour répondre aux nombreuses questions soulevées lors des auditions :
- Les modalités de la désignation des représentants des députés employeurs restent à définir (association d’employeurs, présidents des groupes parlementaires, bureau des assemblées, …) ;
- Si le périmètre des accords porte sur le statut du CP à l’AN dans un premier temps, l’objectif d’aboutir dans un deuxième temps à un statut du collaborateur parlementaire commun aux deux assemblées est il validé dans son principe ;
- les accords professionnels de 2016 sont ils pérennisés dans la continuité du dialogue social ? ;
- autre question centrale :
- soit les représentants des employeurs estiment que notre profession est une profession réglementée et les parlementaires employeurs font le choix de procéder par la loi à des dispositions sui generis pour définir chaque aspect des relations du travail, comme cela a été le cas dans le vote récent de la loi confiance pour la mise en œuvre de disposition en vue d’instaurer un licenciement économique de type Csp. L’Unsa Uscp souligne que ce choix serait très contraignant pour les employeurs, fastidieux et rigide ;
- soit les représentants des employeurs ouvrent le champ à la négociation collective avec l’organisation d’un dialogue social conforme au droit du travail, conformément aux engagements pris dans l’hémicycle lors du vote de la loi pour la confiance dans la vie politique.
Dans ce processus de construction de nouveaux droits et de réforme du fonctionnement interne des assemblées parlementaires, l’UNSA USCP restera un partenaire constructif en vue d’aboutir rapidement à un accord collectif.
Pour rétablir la confiance des Français dans la vie parlementaire, cet effort de modernisation et de clarification de la gestion des moyens mis à disposition des parlementaires dans l’exercice de leur mandat, en particulier pour ce qui concerne les ressources humaines, doit être mené à son terme.
télécharger les documents annexés à notre contribution
consulter la rubrique dédiée aux réformes engagées par l’Assemblée nationale